Exister dans une aire d’hyperconnexion et un temps qui promeut la science et la technique, et ce dans une configuration qui semble illimitée, n’est pas sans effets sur les sujets. Loin de venir les combler, cette réalité du monde actuel les laisse souvent dans une certaine perplexité.
Freud, en 1913, avait indiqué que « les exigences sociales participent à la causation des névroses ». Il poursuivait ensuite par « la psychanalyse a reconnu le caractère asocial des névroses qui tendent à arracher l’individu de la société d’où un isolement de la maladie ». 1
Qu’en est-il de cet arrachement aujourd’hui ?
Des signes perceptibles d’une fragilisation du lien social s’observent dans le champ des relations qui unissent les êtres parlants dans la cellule familiale, le milieu scolaire, dans le monde du travail. Egalement pour les sujets qui témoignent se trouver dans la « galère sociale ». Symptôme de la précarisation du lien ?
Jacques-Alain Miller, dans son intervention « Vers PIPOL 4 », rappelle que « la psychanalyse ne fait pas de distinction entre la réalité psychique et la réalité sociale. La réalité psychique, c’est la réalité sociale… Au fondement de la réalité sociale, il y a le langage. Entendons par là la structure qui émerge de la langue qu’on parle sous l’effet de la routine sociale ». 2
Comment dès lors les praticiens font-ils face aux sujets en situation de déprise sociale ? Comment permettre au sujet enfant, adolescent, adulte de renouer avec sa parole pour s’en faire responsable ? Comment manier la créativité du transfert pour trouver avec le sujet des réponses qui lui correspondent ? Du côté des sujets, quel nouage, trouvaille, invention, construction peut émerger ?
Franck Rollier, dans son article « Que vient-on demander à un psychanalyste consultant ? », indique «A la place du lien social, c’est la jouissance qui s’impose comme partenaire. Cette monstration et cette répétition recouvrent une souffrance, qui ne peut se mettre en mots, autrement dit, cette face de jouissance recouvre la face signifiante du symptôme qui est, bien sûr, un reflet du malaise de notre époque. » 3
Nous tenterons de réfléchir à ces questions avec nos invités. En premier lieu avec Corinne Rezki, psychanalyste, psychiatre, praticien hospitalier aux unités pour enfants et adolescents du Clos Benard à Aubervilliers, qui viendra nous parler de l’Affinity Thérapy. Méthode développée par le journaliste américain Ron Suskind avec son fils autiste. Un traitement par l’affinité élective et dans ce cas particulier avec les films animés Disney.
Dans un second temps, Ariane Chottin, psychanalyste et directrice du Centre Psychanalytique de Consultation et de Traitement « ParADOxe » à Paris, un lieu d’écoute et de lien pour les 11-25 ans. « A paradoxe, les adolescents que nous rencontrons sont pris dans les trébuchements de la vie : aimer, apprendre, choisir, peut tour à tour enflammer, brûler ou éteindre. Pas de mode d’emploi pour faire avec l’énigme du sexe et de la mort, avec l’inquiétante étrangeté qui surgissent à l’adolescence. » 4
Pour terminer, Gustavo Freda, psychanalyste, intervenant au CSAPA (Centre de soins, d’Accompagnement et de prévention en Addictologie) de Reims, viendra nous parler de son expérience de clinicien auprès de personnes souffrant d’addiction. Comme l’indique Jacques-Alain Miller : « L’insertion se fait moins par identification que par consommation. Le rêve, c’est moins la libération que la satisfaction. Et la réalité sociale s’avère dominée par le manque-à-jouir. D’où la vogue des addictions… tout devient addiction dans le comportement social, tout prend un style addictif. » 2
1. « L’intérêt de la psychanalyse », Freud, 1913.
2. « Vers PIPOL 4 », Jacques-Alain Miller, site de l’AMP, Blog, 11 décembre 2007.
3. « Que vient-on demander à un psychanalyste consultant ? », Franck Rollier , Scripta ACF-CAPA « Une clinique sans qualités », 2018.
4. « Ça rate, ça rêve, ça rit », Ariane Chottin et Camillo Ramirez dans Lacan Quotidien 832 (avril 2019).