l'éspérance n'est pas une réponse à la douleur d'exister

« Mais toute l’aide du monde ne saurait faire taire le sans-espoir dont le glas sonne... »
Cette absence d’espérance n’est pas le désespoir. Elle ouvre vers une sagesse. Mais laquelle ? C’est sagesse c’est plutôt une « folisophie » : elle consiste pour chacun à se servir […] de la singularité de son prétendu « handicap psychique », pour le meilleur et pour le pire, sans en aplatir le relief sous un common sense » 1 
Un certain air de tristesse souffle au sein d’un grand nombre d’institutions, risquant d’éteindre « la joie dans ce qui fait notre travail »2 .
S’il fallait faire les comptes, qui assume les frais de cette tristesse ?
D’une part il serait presque confortable de faire charger ces frais aux facteurs si connus :
-    Les politiques gouvernementales avec les programmes et protocoles qui déresponsabilisent les professionnels de leur acte et de leur parole.
-    La réduction des budgets ainsi que les conditions posées par des financeurs.
-    Le managériale en lieu et place de ce qui fait autorité.
-    La disparition de la valeur d’asile de l’hôpital psychiatrique et -de ce fait même- le débordement des institutions du social poussées à répondre de la prise en charge et accueil des enfants, adolescents et adultes dont la souffrance nécessite précisément de trouver asile et soin.
-    La disparition progressive de la dimension du psychique et de la clinique sous transfert au profit d’une conception de l’homme-neuro -d’une part- et de la mise en place de protocoles pour tout -d’autre part-. Aussi, d’une pratique du secours contre la prise en compte du recours du sujet lui-même.3

En effet, tout cela, professionnels du social, de l’éducation, de la justice et du soin : nous connaissons.
Que faire ? 4
Si protester, s’insurger, manifester notre désaccord, se révolter, peut se révéler important voire nécessaire, il compte aussi de le faire précisément là où il faut, là où cela puisse avoir une chance d’abattre cette tristesse pour permettre à chaque-un une réponse.
Ainsi, l’insurrection à considérer serait celle qui se fait au nom du désir -ce qui est bien différent d’une révolte au nom d’un droit au bonheur ou à un nouvel ordre dans le monde.
Ce Cycle renouvelle, chaque année, le pari sur cette « insurrection » : celle que chaque sujet peut opérer sur soi. 
Réussir sa vie ou fonder sa propre rhétorique 6  ? – L’autonomie versus l’art de vivre ?
Enfants, jeunes, adultes, tous et chacun enjoint à réussir sa vie. L’appel de notre temps est à l’autonomie.
 Détaché de tout lien au désir et à l’Autre le sujet contemporain est appelé à l’auto-positionnement, à l’auto-régulation, à l’auto-détermination 7  ; ce qui permet ainsi à chacun de se faire responsable de ses propres échecs.
Alfredo Zenoni indique comment l’autonomie, présentée comme le but suprême de l’évolution individuelle » pourrait être considérée « comme abolition de toute adresse ou de tout recours à l’Autre,» 8
L’époque semble pousser chacun à dénier ce qui relève du vécu de chacun à un moment ou un autre de notre vie : la douleur d’exister, nous détourner de ce vécu -en nous privant ainsi d’en faire l’expérience - 9
L’époque abonde en remèdes pour nous « guérir » du pas-de-sens de la vie. Des injonctions surmoïques plus ou moins bien déguisées poussent le sujet contemporain à « réussir sa vie » : développement personnel, coaching en tout, refaire sa vie, vivre -enfin !- la vraie vie, etc.

Le Cycle de Rencontres Psychanalyse et Champ Social invite au travail quatre psychanalystes et divers professionnels du champ sanitaire-social-éducatif qui présenteront chacun ce que des sujets qu’ils accompagnent au sein de différentes institutions et lieux de soin et d’accueil leur ont enseigné quant à ce qui peut permettre à chaque-un de se tenir dans un rapport à l’existence qui leur permette de supporter la vie. 
Nous proposons de nous mettre au travail ensemble pour interroger ces sujets -via les praticiens qui se feront leur passeurs- : Comment s’instaure pour un sujet le sentiment de la vie ? 10 Quels sont les choix éthiques qui implique le fait d’être vivant ?

1 -  Miller J-A, Notice de fil en aiguille, dans Lacan Le séminaire livre XXIII Le sinthome pp. 240 et 243
2 - Lacan, J. Allocution sur les psychoses de l’enfant, dans Autres Ecrits, éditions du Seuil, p. 369
3 - A titre d’exemple : 1) le PSSM (Premiers Secours en Santé Mentale) et 2) les outils d’auto-régulation distribués aux enfants au sein des écoles.    
4 - « Ne demande « que faire ? » que celui dont le désir s’éteint
Cf J. Lacan lu par Jacques-Alain Miller, dans Autres Ecrits, Editions du Seuil 2001, p.541 ou consulter ce lien http://www.lacantokyo.org/img/Television_Lacan1.pdf  
  5 - Nous nous référons ici à l’ouvrage de Clotilde Leguil « La déprise. Essai sur les ressorts intimes de la désobéissance »
  6 - Cf Francis PONGE, Rhétorique, poème https://www.wikipoemes.com/poemes/francis-ponge/rhetorique.php#google_vignette
 7 -  « L’autodé », pour les habitués étant considéré comme le (trop tardif) réveil français pour ce qui est connu ailleurs depuis les années 70 et qui vise le principe de normalisation dans les services humains. Cf https://www.lemediasocial.fr/handicap-prendre-le-cap-de-lautodetermination8GhK6YG

  8 - Alfredo Zenoni cité par Alice DELARUE. Cf la conférence d’Alice DELARUE  https://www.lacan-universite.fr/wp-content/uploads/2022/11/Delarue-1.pdf.pdf
  9 - Dans le sens de Giorgio Agamben
  10 -  A ce sujet Cf Caroline DOUCET « L’éthique du vivant en psychanalyse »

l'éspérance n'est pas une réponse à la douleur d'exister