L'appétit pour la connaissance se développe tôt chez l'enfant, notamment dans les impasses qu’il rencontre, tel l’enigme du rapport entre les sexes, l’énigme du langage. Ici le sujet vient construire un savoir, un savoir, comme le nota J.Lacan, qui n’est pas sans objet (1) . Cet objet « a », fruit des pertes et concessions précoces auxquelles l’enfant fut amené dans sa maturation, il le retrouve plus tard voilé sur les murs de son existence parce que comme le souligne A.Tudal « entre l’homme et le monde, il y a un mur » (2) .
Et chacun donne à ce mur du relief , y met de l’(a)mur ou l’(a)mur-sement ! (3) Soit chacun y produit du sens, son sens. Alors comment les écrans, aujourd’hui quotidiens, prennent-ils place quant à ce mur ? Quelle réalité vient soutenir l’écran dans l’existence de l’individu? Ce d’autant que la science numérique, par des programmes toujours plus performants, n’est pas sans abuser du sens, « Les nombres savent » et « on fait s’émouvoir cette matière organisée »(4) à outrance au travers divers algorithmes qui prennent de multiples visages : applications mobiles, moteurs de recherche, jeux vidéos, réseaux sociaux, publicité ciblée, etc...
Comment le sujet y conjoint-il son désir ? Quels sont les obstacles (5) cruciaux qu’il rencontre et dont nous pouvons nous enseigner ? Enfin, alors que la tendance sur le net est à la marchandisation et l’accumulation du savoir (6), le discours psychanalytique nous rappelle que l’accession au savoir est fruit d’un trébuchement, intimement lié au manque, sa découverte se fait à la place d’une certaine jouissance. Dés lors, à considérer la variété des objets de consommation, objets plus-de-jouir mis à la disposition du sujet dans lesquels le savoir prend son rang : Comment s’en débrouille-t-il ? Comment le parlêtre (7) vient-il se nouer à cette économie des objets et à rencontrer ce qui du savoir lui est original, inconscient ?
Nous cheminerons au cours de 3 conférences , au travers de ces questions et tenterons d’y trouver quelques réponses.
1- J. Lacan « Entretiens de Saint-Anne » Leçon du 2 décembre 1971. http://staferla.free.fr/S19b/S19b%20Le%20savoir%20du%20psychanalyste.pdf Nommé Objet (a).
2- Lacan s’appui sur un poéme d’Antoine Tudal: Entre L’homme et l’amour, il y a la femme/ Entre l’homme et la femme, il y a un monde /Entre l’homme et le monde, il y a un mur. (ref)
3- J. Lacan « Entretiens de Saint-Anne » Leçon du 6 janvier 1972.
4- J. Lacan « Entretiens de Saint-Anne » Leçon du 3 février 1972. (Dernière partie de la leçon) « Ce sont les nombres qui savent, qui savent parce qu’ils ont fait s’émouvoir cette matière organisée en un point, bien sûr immemorial, et qui continuent de savoir ce qu’ils font. Il y a une chose bien certaine, c’est que c’est de la façon la plus abusive que nous mettons là-dedans un « sens ». »
5- J. Lacan a souligné les impasses de la logique aristotélicienne sur lesquelles s’appuient la science moderne, concernant le principe de négation par exemple, Lacan conteste le fait qu’une vérité nier soit considérer comme fausse, car la vraie vérité ne s’écrie pas, à la négation il préfère l’idée d’ « obstacle ». 6- Une marchandisation du savoir qui pointe la crise du discours universitaire comme le relève Fabian Fajnwaks (revue La cause du désir n°105, p7) et qui diffère du rêve d’une doxa non-universitaire, antique, que releva Lacan.
7- Terme que Lacan donne au sujet en tant qu’il parle avec son corps. Un corps qui jouit. (notamment in Lacan, J., (2004), Le Séminaire, Livre XXIII, Le Sinthome, 1975-1976, Paris, Ed. Seuil, pag. 66.)