La langue du père

La langue du père

 
« Avec du pire, faire du rire, non du père »1. C’est avec cette orientation que nous tenterons de nous frayer une voie. Du pire au rire en se passant du père. Quelle indication ! L’expérience analytique démontre que l’amour du père a la peau dure. Lire au nom du père donne consistance à la « tragédie ».2
Nous avancerons avec une hypothèse : l’amour du père est du côté de l’amour du sens. Le père absent, trop présent, silencieux, sentencieux, pas assez, le père-du sont des nominations qui peuvent mener à un excès de compréhension.
« Si Freud met au centre de sa doctrine le mythe du père », note Lacan en 1963, « il est clair que c’est en raison de l’inévitabilité de cette question. Il n’est pas moins clair que, si toute la théorie et la praxis de la psychanalyse nous apparaissent aujourd’hui comme en panne, c’est pour ne pas avoir osé sur cette question aller plus loin que Freud »3.
Lacan cherche à faire sortir la psychanalyse de l’empire du sens œdipien et invite les psychanalystes à ne pas rester rivés à l’amour du père. « Le symptôme lu par Freud fait parler le corps, mais ce symptôme parle […] la langue du père »,4 une langue structurante, organisatrice. Le drame de l’hystérique est de transformer l’amour du père en identification.5 L’issue par la comédie est toute autre : elle sous-entend d’accéder à une langue trouée et allégée de cette rigidité collée au sens et prétendument salvatrice.

Omaïra Meseguer
 
 
1 Miller J-A., Comment finissent les analyses. Paradoxes de la passe, Navarin éditeur, 2022. P. 128
2 Ibid.
3 Lacan J., Le séminaire. Livre XI, « Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse », p. 85
4 Laurent E., L’envers de la biopolitique. Une écriture pour la jouissance. Navarin. Le Champ Freudien. 2016. p. 43
5 Cf. Lacan J., Le séminaire, livre V, Les formations de l’inconscient, Paris, Le seuil, 1998, p. 293