A peine cinquante ans après sa promulgation, la cour suprême des États-Unis s’apprête en juin prochain à abroger l’arrêt qui avait donné le droit à l’avortement aux femmes américaines. On sait peu que cette décision avait été motivée en 1973 sur le principe du droit à la vie privée à la suite de la fameuse jurisprudence Roe v. Wade 1. La loi assurait dès lors à chaque-une-femme une protection juridique et institutionnelle de pouvoir disposer de son corps comme elle délimitait de façon nouvelle le champ du privé de celui de l’espace public. « Mon corps, mon droit » en avait été le paradigme.
Ainsi peut-on sentir la portée régressive de l’évènement dont les conséquences accentueront les difficultés d’accès des femmes à l’IVG, en particulier les plus vulnérables. On comprend aussi, comme l’indiquait J. Lacan, qu’en réduisant le territoire de la réalité sociale, c’est tout autant celle de la réalité psychique, et de la liberté inhérente à celle-ci, qui est entamée.
Dans cette perspective, l’annonce du titre de la conférence de Neus Carbonell, « la femme refoulée », peut d’abord nous laisser entendre ce qui par le fait d’une résistance se trouve rejeté par la force. Les actions violentes des mouvements pro-life, les décrets talibans visant les femmes journalistes sont tout autant de mises en acte d’une haine profonde du féminin. On y lit ce que Fabian Fajnwaks relevait comme « un mépris profond du radicalement Autre 2 »
Aussi depuis Freud nous savons que d’être refoulée, la revendication pulsionnelle trouve dans le symptôme la forme déguisée de son expression. Elle aura donc sa face déchiffrable où la femme comme symptôme tient lieu d’une vérité. Les conséquences en seront donc surement visibles comme indice d’un savoir. Du côté de la satisfaction, elle demeurera opaque. Comme refoulée la femme présentera alors une face radicalement Autre comme trace de Jouissance. Lacan écrira Lfemme, cette part du féminin qui résiste au savoir. Elle est la promesse d’une poétique singulière dont nous avons entendu cette année la trace chez des artistes, des mystiques ou le témoignage d’Analystes de l’École .
C’est dire combien la venue de Neus Carbonell soutenue de la femme refoulée comme cause de sa conférence vient à point nommé pour éclairer notre thème annuel de la féminité au-delà des normes. Nous nous réjouissons de l’entendre.
La conférence se tiendra exceptionnellement de 14 à 16h de sorte que chacun puisse assister à 17h à la conversation sur zoom de Jacques-Alain Miller pour la sortie du recueil « Comment finissent les analyses. Paradoxes de la passe » dans le cadre des Rendez-vous de la Librairie.
Guillaume Darchy
pour la commission conférence de l’ACFenCAPA à Lille
1 Névés, P. , Médiapart, 3 mai 2022
https://www.mediapart.fr/journal/international/030522/avortement-aux-etats-unis-la-cour-supreme-en-porte-flingue-de-l-amerique-reactionnaire
2 Fanjwaks, F. , « Extension du féminin dans le régime de jouissance contemporain », La Cause du Désir, n° 103, Navarin, p. 7.