AVANT-GOUT…
À cette interpellation provocatrice de Jacques-Alain Miller pour la Télévision, en mars 1974, Lacan répond avec la fermeté qu’on lui connaît, et le respect de celui qu’il passa sa vie à relire : le mot est de Freud, qui « n’en a pas trouvé de meilleur, et il n’y a pas à y revenir. » 1 Le seul inconvénient qu’il lui trouve, c’est ce préfixe privatif, in-conscient, qui ouvre à toutes les hypothèses farfelues sur ce que recouvre le terme : anticipation véritablement prophétique de Lacan. Aujourd’hui, le terme est volontiers sur toutes les lèvres (c’est ton inconscient qui te parle, consulte le grand livre des rêves), au mieux réduit à une sorte de malin génie qui ferait des siennes sans toutefois bouleverser notre destinée, au pire attaqué comme le cheval de Troie contenant en son sein une doctrine dépassée, ringardisée, voire dangereuse : on a tenté de le mesurer, de le typographier, de le localiser via les méthodes d’imageries les plus sophistiquées pour montrer l’erreur de Freud : plus drôle du tout.
De toute façon, tellement prémâché par le discours courant qu’il en a perdu la force de sa subversion, celle de la découverte il y a plus de cent ans de la connexion subtile entre le langage et le corps, et la façon dont nous sommes parlés par le langage que nous parlons : loin de se réduire à ce privatif qui mettait en exergue l’importance de la levée du refoulement pour viser la guérison, l’inconscient est plutôt du côté du toujours plus. Il travaille, associe, produit, vibre avec l’époque et des mots qui le composent et auxquels nous nous sommes identifiés : d’en savoir un bout n’offre-t-il pas la chance de s’en ressaisir pour en être moins le jouet ? C’est à coup sûr ce sur quoi nous éclairera la conférence d’Hélène Bonnaud, le 30 mars prochain.
Virginie Leblanc
1 Jacques Lacan, « Télévision », Autres écrits, 1973, Paris : Seuil, 2001, p. 511.