Rendre à chacun le souci de son existence

Depuis plusieurs décennies nous n’ignorons plus les effets de la quantification et de l’uniformisation du monde ; et nous en pâtissons : dictature du nombre où des échelles quantitatives sont l’étalon pour appréhender la souffrance, pour mesurer chacun selon ses performances et déficits. Aussi, la statistique permet un abord et une régulation des populations selon ce qui est mesurable et évaluable. Le terme de souffrance semblerait être vidé de son sens et il nomme tantôt un dysfonctionnement du cerveau, tantôt un degré du déficit d’adaptation. Aussi, cette modélisation et mise en chiffres prétend venir se substituer à l’expérience personnelle, elle trop opaque, difficilement comparable et évaluable, imprécise, divergente d’un individu à l’autre.

Professionnels travaillant au sein de l’éducation nationale, des différents lieux de soin, d’associations et structures du champ social se voient devoir médiatiser la rencontre avec les enfants, adolescents ou adultes qu’ils reçoivent à l’appui de protocoles, questionnaires, fiches censées repérer et mesurer l’appartenance d’un individu à une catégorie donnée et mesurer son degré de concernement ainsi que le degré de risque. Ainsi, évoquons rapidement le baromètre de santé psychologique, le violentomètre pour mesurer la santé d’un couple, mais aussi les enquêtes de climat scolaire et victimisation, les protocoles de prévention suicide adolescent, ou le protocole pHARe (plan de prévention du harcèlement scolaire), entre autres. Chacun se trouve ainsi dépossédé de sa chance d’affronter la question que l’on devient pour soi-même à certains moments de la vie, dépossédé de cet effort douloureux mais vivifiant de chercher à traduire en mots un vécu intime, énigmatique et qui fait excès dans la pensée et dans le corps. Ce qui a lieu pour chacun ne peut pas être dit avec la langue de tous ; ne peut pas se dire en un mot transparent qui serait compris de tous. Parce que le sujet qui parle « je » ne peut se loger que dans l’équivoque après cette sorte de traversée entre les mots et le silence que le mot comporte ; traversée dont il est possible de resurgir autrement vivant, allégé du poids de significations, identifications et paroles qui avaient marqué notre vie.

Aussi, nous devons tenir compte de deux processus concomitants : d’une part, le phénomène de dépathologisation par lequel nous assistons à la disparition des grandes catégories nosologiques et à une inflation de troubles et déficits de tout genre. D’autre part, le manque catastrophique de moyens dans le secteur du soin. Ainsi, des professionnels du champ éducatif et du champ social se voient contraints de prendre en charge une souffrance qui relève du champ de la psychiatrie. Les familles et les sujets en souffrance subissent ce ravage encore autrement. L’hôpital a perdu sa fonction d’hospitalité et d’accueil de l’étranger. Et la parole et le langage sont rabaissés à un rôle d’outil de communication simplifié. Une langue nettoyée des équivoques, des effets poétiques. Une néo novlangue s’est installée qui prétend simplifier dangereusement toute expérience subjective en ce qu’elle a -et doit garder- d’inédit. Aujourd’hui l’intime s’expose, se dévoile sans pudeur mais chacun se trouve paradoxalement dépossédé de l’intime comme expérience et de l’opacité qui gît dans cet intime et qui à pouvoir la cerner, la lire, le sujet pourra en répondre et en être un peu moins le jouet. Un toujours plus loin, toujours plus fort, toujours plus vite. Intimités et mémoires volées par un Autre sans visage et sans tête, vorace, désincarné mais dont la présence ne cesse pas de nous pénétrer par les réseaux dit sociaux.

A partir des situations cliniques présentées nous pourrons nous enseigner quant à comment accueillir la parole de l’enfant, l’adolescent, l’adulte qui -en souffrance- vient nous rencontrer. Quelle écoute ? Quelle offre de parole faisons-nous à celles et ceux que nous rencontrons dans différents lieux du champ social ? Comment leur permettre de quitter les identités proposées, comment leur permettre de parler à chacun sa propre langue échappant à la novlangue qui propose des noms tout faits pour nommer ce qui dis-fonctionne ? (hyperactif, victime, HPI, etc.) ; comment permettre à chacun de s’avancer vers un Autre à qui dire et se risquer -comme Winston- à parler « Je ».

Nous travaillerons au plus près de la pratique de celles et ceux qui ont accepté le pari de venir parler de leur clinique auprès d’enfants, adolescents ou adultes dans différents lieux du champ social : l’école, les lieux d’accueil, les lieux de soin.
Gaëlle Gavois , éducatrice spécialisée et Justine Vercaemst, psychologue clinicienne. Toutes deux intervenant au Service Ecoute Brunehaut -Violences faites aux femmes.
Laurence Leblanc, psychologue à l’éducation nationale premier degré.
Béatrice Brault, psychologue clinicienne et psychanalyste à la Maison de l’Enfance et de la Famille du Valenciennois - EPDSAE
Angéline Kuisseu (éducatrice spécialisée) et Virginie Decominck (infirmière). Toutes deux intervenant à La Maison des Ados de Lille.
Paul Poulain, psychologue au Centre de Santé Mentale pour Enfants et Adolescents d’Halluin.

Chacune des situations cliniques présentées fera ensuite l’objet des réflexions et échanges avec les participants inscrits mais aussi avec la table des invité.es. Aussi, chacun des cas sera commenté de manière détaillée et articulée au thème de la journée par nos invités Mathieu Siriot, psychologue à Paris, psychanalyste membre de l’Ecole de la Cause Freudienne et Françoise Labridy, enseignante et psychanalyste à Nancy, membre de l’Ecole de la Cause Freudienne. Mathieu Siriot et Françoise Labridy feront ensuite chacun une intervention développant un point particulier de la thématique qui nous réunit cette année.

Il est possible de s’inscrire au Cycle complet (2 dates) ou s’inscrire à 1 seule date. Suivre lien ou QR code pour détails tarifs PAF et inscription. Pour la date du samedi 7 décembre buffet restauration comprise si inscription avant le 4 décembre. Renseignements : lecycle-psychanalysechampsocial@hotmail.com
Inscriptions : https://www.helloasso.com/.../cycle-psychanalyse-et-champ...

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