Une voix féminine dans le noir : « On commence dans 5 minutes, en scène s’il vous plaît, en scène. ». Un appel en écho à un autre: « Maman !? ». Fondu enchaîné qui laisse apparaître une mère apparemment absorbée par la lecture d’un roman à l’eau de rose. Ainsi démarre le film de Guillaume Gallienne, « Les garçons et Guillaume, à table ! » (2013), ré-écriture de sa pièce de théâtre autobiographique (2008), dont le titre prend d’emblée les atours d’un paradoxe, et que Gallienne déplie pour nous conduire à en explorer les méandres.
Sa mère qu’il adore, bourgeoise au verbe haut et à la répartie crue, râle. Elle râle, et elle souffle le chaud et le froid. « Elle est pudique mais de très mauvaise humeur depuis ma naissance » dira Guillaume, première manière déjà de poser sa question, de situer où ça achoppe. Sans le savoir, Guillaume s’est toujours identifié à une fille. Un pas de plus, et il est indexé par les autres comme homosexuel, créant confusion entre la question du genre, et celle du choix d’objet. Le père, protagoniste du jeu qui pour Guillaume est « le seul qui ne s’y trompe pas », n’a de cesse de le ramener à une décision qui engagerait le corps, mais dans une pirouette d’une farce à la Molière. Il s’agirait pour son fils de choisir un sport ! Où se situer alors ? D’où parle Guillaume ? A qui n’a-t-il de cesse de s’adresser ? C’est à partir d’un geste, d’un mouvement de danse, d’un parfum, d’un costume, d’un souffle, qui sont comme des bordures de scène, que Guillaume pourra laisser son souffle le traverser, pour donner corps à sa voix, explorer et suivre la voie, cette fois, de son désir. Sur le chemin, mimétisme, imitations, identifications, jeux de places et de miroirs, aliénation et séparation, rencontre d’un autre qui tend l’oreille et permet à Guillaume un franchissement qui le libère.
Gallienne nous propose une articulation singulière des langues étrangères, des malentendus, des chants qui sonnent faux et des mots qui se mélangent, mais c’est surtout d’une vérité qui cherche à s’énoncer dont il est question, dans des aller-retour, jusqu’à ce que quelque chose de nouveau puisse s’entendre, dans l’équivoque, les rires et la joie. A partir de ce film, nous proposons de faire lien avec les prochaines journées de l’ECF, intitulées « phrases marquantes », dont nous aurons le plaisir de discuter avec Virginie Leblanc-Roïc, psychanalyste à Lille et membre de l’ECF.
Axelle Triquet