Idées noires, traitement sur mesure Journée + 1 du collège clinique d Lille
Depuis quelques années, le Collège clinique de Lille clôture sa session par une journée de travail qui est ouverte à un plus large public et s'organise en collaboration avec la Section clinique de Mons et l'ACF en CAPA. Cette journée constitue le point d’orgue de son année d’élaboration. C’est la Journée + 1 du Collège clinique de Lille. Elle constitue un prolongement de toute une élaboration.
Cette année, sous différents angles, le Collège clinique a abordé un affect qui ronge notre civilisation du vingt et unième siècle, celui de la tristesse, de la morosité, de la douleur d’exister.
L’argument très détaillé que Guy Poblome a rédigé est particulièrement éclairant sur les différentes figures que peut prendre la dépression dans nos sociétés.
Reste savoir comment nous en sommes arrivés là.
Il y a sûrement plusieurs hypothèses que nous pourrions explorer.
Peut-être pourrions-nous nous apercevoir, au plus simple, mais est-ce si simple, que le monde contemporain a perdu la boussole!? Il n’y a pas si longtemps, Jacques-Alain Miller avait attiré notre attention sur les conséquences de la conjonction de deux phénomènes de civilisation qui se conjuguent depuis le siècle des Lumières pour atteindre des sommets en ce vint-et unième siècle : le discours de la science s’articulant à celui du capitalisme. L’une des conséquences est que le discours courant a ainsi trouvé l’occasion d’inventer des signifiants nouveaux ; notamment ceux qui font le titre de notre session 2024-2025.
Ce n’est pas sans conséquences. Juste un exemple. La science invente une nouvelle molécule, le discours capitaliste s’en empare pour la mettre sur le marché et invente des signifiants nouveaux qui circulent dans le discours courant. Le monde moderne est déprimé, le capitaliste peut vendre son produit.
L’autre conséquence de la montée au zénith du discours de la science est la dégringolade du père et de sa fonction. Plus de balise. Le sujet contemporain ne s’y retrouve plus. Le monde perd sa boussole. Le sujet s’accroche ainsi à ce qu’il peut, aux nouveaux maîtres, le discours du maître contemporain nous revient ainsi tel un boomerang sous les différentes figures du maître féroce, celui qui s’avance masqué, celui qui commande : jouis ! Est-ce que le contrôle parental sur les comptes des enfants sera nécessaire et suffisant pour empêcher les idées noires et le pousse au suicide ?
Mais il y a une tout autre conséquence du développement du discours de la science. Le discours de la science est troué, et c’est grâce à ses hoquets que Freud s’est mis à écouter ceux et celles qui dénoncent son mensonge.
À quelle place la psychanalyse peut-elle alors s’introduire dans le discours du déprimé contemporain!?
Jacques-Alain Miller commentant Lacan dans son texte Télévision1, fait remarquer que « pour Lacan, la tristesse est relative à un accord du signifiant et de la jouissance, elle est donc affaire de savoir. « Nos patients ne viennent pas voir le psychanalyste pour rencontrer un prédicateur moral qui leur dise “Vous êtes déprimé, c’est une lâcheté !” Bien plutôt faut-il entendre que cette “faute morale” implique le sujet en tant que sujet du choix. » Et il ajoute qu’« à l’opposé de la tristesse définie comme un savoir manqué, Lacan place le gay sçavoir, soit le bien- dire. « Qu’est-ce que le bien-dire!? Le bien-dire, c’est l’accord du signifiant et de la jouissance. Pour Lacan, la tristesse est relative à cet accord du signifiant et de la jouissance, elle est donc affaire de savoir.
1 LACAN, Jacques, Télévision, Paris, Seuil, 1974, P. 11.