Transfert et érotomanie

Après-coup conférence Marie Laurent « Transfert et érotomanie » du samedi 08 juin 2024 au collège clinique de Lille

 

 Pour la dernière conférence de l’année 2024 au Collège clinique de Lille, Marie Laurent a abordé notre thème du transfert au travers de l’érotomanie. 
Psychanalyste à Bordeaux et membre de l’ECF ainsi que de l’AMP, son intervention s’inscrit dans l’intérêt actuel porté à l’érotomanie. C’est ce qu’indique le succès de la série Netflix « Mon petit renne » qui a occupé la première place de la plateforme jusqu’en mai dernier. Tirée de faits réels, cette série raconte l’histoire de Donny, un humoriste anglais qui croise la route de Martha, une prétendue avocate. Ne pouvant pas se payer un verre dans le bar où travaille Donny, ce dernier finit par l’inviter et lui offrir une boisson. Et là où chacun aurait pu y voir le signe d’une amicale attention, Martha va y loger le point de départ de son délire érotomaniaque. Elle s’immisce de plus en plus dans la vie de Donny, au point de le suivre à la trace et de lui envoyer plus de 40 000 mails pendant quatre ans. Qu’en est-il cependant de l’érotomanie au regard de la clinique ? 
 
Marie Laurent indique que le signifiant « érotomanie » ouvre à une diversité de significations dans le champ de la psychanalyse lacanienne. 
D’abord, en tant qu’entité psychiatrique à part entière comme le met en scène la série Netflix. Marie Laurent nous en rappelle la structure en suivant les travaux du psychiatre Gaëtan Gatian De Clérambault. Elle détaille ce qu’il a appelé le postulat fondamental du délire où le sujet érotomane a la certitude d’être aimé de l’Autre. Selon lui, le délire érotomaniaque se distingue du délire de persécution et peut être découpé en trois phases : espoir, dépit et rancune. 
Marie Laurent repère ensuite l’érotomanie comme un symptôme dans la psychose. Reprenant les avancées de Lacan sur la question de la signification du délire, elle articule érotomanie et maniement du transfert dans la cure. Il ne s’agit plus de mettre l’accent sur la structure du délire érotomaniaque comme le faisait De Clérambault, mais sur celle du transfert. Ainsi, toute manifestation du désir de l’analyste peut être captée par le sujet psychotique comme étant le signe d’un amour ou d’une haine de l’Autre à son encontre. La persécution peut donc laisser place à l’érotomanie, et inversement. Marie Laurent nous invite ici à rester attentifs à ces signes, qui peuvent se manifester de manière discrète. Elle insiste sur l’attention à apporter au maniement du transfert afin de faire consister un Autre « le moins capricieux et désirant possible ».

Enfin Marie Laurent aborde une dernière occurrence qui est celle de la demande d’amour de style érotomaniaque, repérée par Lacan chez les sujets féminins en analyse. Elle explique comment ces sujets névrosés peuvent avoir recours à une solution érotomaniaque dans le transfert pour loger une jouissance en excès. Il est à la charge de l’analyste de ne pas répondre à cette demande d’amour, afin d’en déterminer ce qu’elle recouvre et de découvrir « ce qui est le plus singulier, le plus inaperçu, le plus étrange et le plus d’elle-même. »
 
William ROUSSEL 

Transfert et érotomanie