Scripta Documents : Fictions familiales

La commission Scripta Documents a le plaisir de vous présenter le nouveau numéro du bulletin de l’ACF en CAPA intitulé « Fictions familiales ». Dans le titre se conjoignent deux termes a priori peu susceptibles de se confondre. D’un côté la famille, socle institutionnel, traditionnel, reconnu dans le social et de l’autre les fictions, intimes et singulières. Une nouvelle signification s’ouvre, subvertissant une conception dite « naturelle » de la famille. Une tension s’installe alors entre la famille comme machine à sécréter des fictions et la trame singulière tissée par chaque être parlant, pour qui ces fictions ont pris couleur de vérité.

« Il y a l’Œdipe, les faits œdipiens. A savoir : il se constate que le père, la mère, leur rapport, le rapport de leur demande, de leur désir, de leur jouissance, la famille, sa configuration dans chaque cas, sont termes et thèmes électifs du souci du sujet » nous indique Jacques-Alain Miller dans sa « Petite introduction à l’au-delà de l’Œdipe ». On pourrait ne jamais épuiser le thème, cela s’entend dans les cabinets de consultation. Les personnages familiaux ont un poids particulier pour chaque sujet. Le titre « Malaise dans la famille » donné au congrès Pipol qui se déroulera du 12 au 13 juillet 2025 évoque ce qu’il peut en être des effets des compositions et disjonctions familiales dans la vie des êtres parlants, toujours à l’œuvre.

Les contours de nos familles contemporaines se modifient, se déplacent. La vertigineuse question de l’origine se repose dans des termes nouveaux. L’identité, elle, a contrario, s’affirme et la langue s’en fait porteuse en lissant ses disparités et équivoques. Ces points de butées, présentés dans ce numéro, ne prennent pas la direction du repli sur des éléments biographiques ou une possible rétrospective de l’histoire familiale mais tendent vers une ouverture sur un « grand lointain » comme le suggère Gwenaëlle Aubry, romancière et philosophe. Mettre la famille en fiction c’est lui redonner sa dimension de « fabrication marquée au coin du semblant » tout en continuant, malgré tout, à interroger le « pourquoi des semblants et le comment de la jouissance ».

Le numéro se découpe en quatre parties, chacune visant à mettre en mouvement ces représentations, tracer la voie à un questionnement. Elles portent toutes un titre évocateur d’une Autre scène, loin du déterminisme et des prédictions nous rattrapant dans le discours actuel. Huit textes composent ce numéro, mêlant des interventions des membres de l’ECF dans la région et des échos des activités de l’ACF en CAPA.

Dans ce numéro, vous retrouverez les retranscriptions des interventions orales de François Ansermet et de Gwenaëlle Aubry lors du colloque de l’ACF en CAPA en décembre dernier, intitulé « ça rêve, ça rate, ça rit … pas sans l’inconscient ». Elles donnent une nouvelle coloration à notre numéro, unique et vivant.

L’intervention de Katty-Langelez Stevens intitulée « Lacan et l’Anti-Œdipe » figure également dans notre nouveau numéro. Elle avait présenté ce texte lors d’une soirée préparatoire au 11ème congrès PIPOL à Saint-Quentin.

Pénélope Fay, qui est intervenue lors d’une conférence du collège clinique de Lille en juin 2023 aborde les mutations contemporaines de la langue imposant un nouvel ordre universalisant et touchant au plus près ce qui se délite de la fonction paternelle.

Un texte de Béatrice Brault-Lebrun ponctue le fil de notre numéro et nous indique justement comment « l’interprétation de l’analyste est essentiellement une ponctuation ».

L’art est un fil rouge majeur dans ce numéro. Vous y trouverez des références diverses et variées, à l’image du travail de connexion mené dans l’ACF : Niki de St Phalle et ses sculptures monumentales présentée par Sophie Charles lors d’une soirée des Causeries à Lille, Jean Anouilh et son théâtre exposé par Elisa Cuvillier lors d’une soirée Littérature et psychanalyse à Soissons, le roman « Celle que vous croyez » de Camille Laurens, relaté par Martine Besset, également lors d’une soirée Littérature et psychanalyse, et Quentin Dupieux et son cinéma déjanté cerné par Grégory Leduc dans un texte inédit pour la commission Cinéma et Psychanalyse de Lille.

Un dernier mot sur la couverture de ce nouveau bulletin. Eglantine Bacro, artiste talentueuse de la région, a, pour le deuxième numéro consécutif, réalisé une interprétation du titre à partir de sa lecture des textes présents dans ce numéro. Elle nous en donne une version sublime faite de personnages multiples, chacun dans un usage singulier de cette matière familiale : se baignant, s’extirpant ou se sauvant. D’autres jouent, cherchent à attraper ou au contraire sont encombrés par cette substance. Je lui laisse le mot de la fin : « Le dessin figure la « langue maternelle » comme un étang organique au milieu de la neige. Une matière dont chacun sort et que chacun porte, aime, dénoue, rejette ou apprivoise au cours de sa vie ».

Claire Debuire.
Scripta Documents : Fictions familiales