Après-coup de Claire Tricault
Laura Vigué, lors de sa conférence au collège clinique de Lille a montré qu’il n’y aurait “pas moyen d’établir une énergétique de la jouissance” mais qu’il conviendrait plutôt de miser sur la possibilité du déchiffrage de l’inconscient. Ce dernier, qui a lieu dans le cadre de la cure analytique,pourrait avoir un effet sur l’affect dépressif, la tristesse et morosité qui s’emparent parfois d’un sujet.
L’inconscient lacanien est celui qui se joue et s’écrit en séance, il n’est pas donné. Cela ne peut se faire sans la présence de l’analyste ni sans le désir du sujet de faire une analyse. Pour qu’il puisse advenir, il faut croire en l’inconscient, sinon pas d’inconscient possible. C’est pourquoi Lacan amène que “ certains sujets sont désabonnés de l’inconscient”, venant alors refuser un déchiffrage possible. L’inconscient se déchiffre selon une logique de l’équivoque et du signifiant, dans le transfert.
Au sujet de la tristesse, Lacan la désigne comme «une faute morale », ajoutant qu’elle « ne se situe en dernier ressort que de la pensée, soit du devoir de bien dire ou de s’y retrouver dans l’inconscient », il y voit là une fuite du symbolique, un renoncement au désir dans la position du sujet, qui refuse d’entrer dans le champ du déchiffrage, se laissant alors aller à la jouissance. Ne pas s’engager dans le processus de déchiffrage, c’est rester du côté du symptôme. Jacques Alain Miller nomme la tristesse comme un savoir manqué où « quand le savoir est triste il est impuissant à mettre le signifiant en résonance avec la jouissance », il vient alors enfermer le sujet dans une jouissance mortifère.
La tristesse est donc une affaire de savoir. Face à ce savoir manqué, s’y oppose le gai savoir qui apparaît comme vertu, il est lié à l’acceptation du non sens, de ce qui ne peut se dire, mais qui insiste. L’analyse permet de ne pas « piquer dans le sens, mais de raser la jouissance d’aussi près que possible». C’est un savoir allégé, qui permet d’en passer par un mieux dire en venant manier les signifiants afin de les mettre en résonance avec la jouissance sans la fixer. Le bien dire permet de rendre l’énonciation au sujet en jouissant du déchiffrage.
Si le sujet y consent, à céder sur sa jouissance, une nouvelle économie de la libido devient alors possible : une économie moins prise dans les répétitions mortifères, plus articulée au désir. L’analyse peut ainsi avoir un effet sur la tristesse.