Passer de « l’’addiction quand tu nous tiens » à « l’amour quand tu nous tiens », est un glissement que Flavia Hoffstetter a opéré lors de la 2e soirée Lire Freud consacrée cette fois-ci à l’emprise amoureuse.
Si l’amour est l’inverse de l’addiction en ce sens qu’elle ouvre à l’autre de la rencontre, à la surprise et la contingence, on peut se demander s’il n’y a pas de l’addiction tout de même dans l’amour.
L’emprise, signifiant dans l’air du temps, a ici fait l’objet de deux lectures : l’emprise comme abus de l’autre, l’emprise comme propre à l’amour.
La première lecture associe l’emprise aux signifiants de domination, patriarcat, pouvoir, pervers narcissique… C’est après les mouvements de libération des femmes et de la parole des femmes que l’emprise dans la relation amoureuse se présente comme étant celle de l’homme, nouvelle version, dixit Flavia Hhoffstetter, « de la guerre des sexes ». Clotilde Leguil, qu’elle cite, interroge « comment faire pour que la révolte, le « non » du Mee Too ouvre sur un acte créateur et pas seulement sur la guerre des sexes ? ». La dichotomie « pervers narcissique /victime » devenant alors propre à l’époque. Mais faut-il de la perversion pour qu’il y ait emprise dans l’amour ? Cette question ouvre à la seconde lecture.
Dans l’amour, nul besoin de pervers pour que la rencontre ait l’incidence d’un traumatisme. L’amour produit une rupture dans le savoir, crée une dépendance à l’autre, suscite la peur de perdre. L’emprise dans l’amour coexiste aujourd’hui avecen même temps que l’idéal d’autonomie quede notre époque prône l’autonomie, le faire sans l’autre.
Mais il n’a pas fallu attendre le XXIe siècle pour entendre parler d’emprise amoureuse. Flaubert le traitait déjà avec Madame Bovary, et que Clotilde Leguil déplie dans son livre « L’ère du toxique ». On y perçoit à quel point, « elle est dans une emprise d’elle-même, de ce qu’on appelle sa jouissance à elle ; Jouissance sans limites, qu’aucun désir ne vient arrêter, indépendante du partenaire ; Folie de l’amour, addiction dans l’amour ».
Si la vie amoureuse est faite de l’articulation de plusieurs niveaux, amour, désir, pulsion, et par conséquent d’une variété infinie de rencontres, elle garde en son sein toujours le malentendu, qui laisse penser que « rêver l’amour sans emprise relèverait d’un mirage et d’un impossible ».
C’est dans cette même veine que Myriam Papillon a emboité le pas à Flavia Hoffstetter, pour nous faire saisir comment l’amour, et son éclat, « prend » et « entreprend », fait emprise amoureuse. Entre Eternal Sunshine of The Spotless Mind, film de Michel Gondry et Charlie Kaufman et L’amour et les forêts, celui de Valérie Donzelli, elle distingue l’homme de désir de l’homme de pulsion. Deux références littéraires, Pauvre folle de Chloé Delaume et Pizzica pizzica, BD de Solène Rebière nous ont aussi accompagnés. Deux femmes qui ont choisi de se faire responsables et non pas victimes, en ce sens qu’elles vont répondre de ce qui a fait effraction, par la création poétique pour l’une et la création artistique chorégraphique pour l’autre. Quand l’amour est toxique, seul le désir de savoir, ouvre sur la responsabilité du sujet, celle de se faire responsable de sa propre addiction amoureuse.
Christelle Janson