UN BON DEBUT
Une classe nommée « Starter », classe de troisième à l’intérieur du Lycée professionnel Guynemer, au centre de Grenoble, laboratoire expérimental depuis 2012, unique en France, en partenariat avec le Rectorat de Grenoble.
Une organisation cyclique de quatre semaines de classe, deux semaines de stage de découverte en milieu professionnel, de nouveau une semaine de classe et vacances, répétée quatre fois dans la période scolaire.
Ces élèves sont dits « décrocheurs » mais l’auteur du film Antoine Gentil, enseignant spécialisé, préfère d’autres nominations telles que :
- les endormis, les rêveurs, les mordillant leur gomme, les -encore au lit le lundi matin- les flâneurs à l’école buissonnière, les hyper-violents,
- les drop-out : sur les bancs, désengagés, décrochés de l’intérieur,
- les drop-in : car obligés d’être là,
- mais aussi les discrets, inadaptés, désengagés, sous-performant, peu intéressés, les dépressifs, avec des troubles du comportement,
- les ados aux conduites antisociales cachées.
En s’appuyant sur des années de pratiques pédagogiques auprès de structures comme l’Aide Sociale à l’Enfance, le milieu carcéral, les ITEP (Institut Thérapeutique, Educatif et Pédagogique) puis sur ce dispositif innovant nommé STARTER, Antoine Gentil nous livre une réflexion argumentée sur un sujet majeur de société : comment rattraper, au sein du système éducatif, les jeunes en difficulté, en rupture, en voie de déscolarisation ?
Le film révèle le désir de l’enseignant/auteur, en lien avec l’équipe éducative, d’éveiller/de réveiller le désir de savoir de ces jeunes, de les « réconcilier » avec l’Ecole.
Dans son métier, dit-il, « on ne sauve personne, on aide et on accompagne. Mais comprendre et expliquer les limites, le cadre, ça compte ».
La soirée fut l'occasion pour le public, attentif et curieux, d'avancer différentes questions portant notamment sur les circonstances et les conditions de mise en œuvre de ce dispositif.
Si Freud avança, en 1937, qu'éduquer faisait partie des trois métiers impossibles, son propos peut s'entendre notamment dans le fait que la dimension de l'idéal porté dans le champ éducatif ne peut que renvoyer l'éducateur à son impuissance.
Ici l'idéal poursuivi par Antoine gentil comporte le souci de nouer chez l'adolescent une nouvelle alliance entre le savoir et l'intime, entre l'universel et le singulier. Cette tâche prend notamment appui sur le lien fort qu'Antoine gentil et son équipe construisent avec chacun(e) de leurs élèves et dont le film montre bien la mise en œuvre.
Ici, la solidité du cadre institutionnel, le souci des intervenants, la constitution du groupe classe sont, entre autres choses, des ressorts importants. Reste ce que chaque jeune "starter" saisira de l'opportunité qui lui fut offerte durant cette année et quelle suite ils et elles pourront ou non donner dans leur existence, à cette expérience d'une intensité particulière.
Cette dernière a permis à bon nombre de remettre à flot leurs parcours de vie, professionnelle ou familiale, jusque-là semblant dans un temps suspendu ou en crise.
Le film met aussi en lumière les "pièges" dans lesquels se perd une certaine jouissance, de rapprocher le sujet de l'énigme de son propre désir ou d'un certain savoir sur la logique de sa propre structure. S'interroge le champ de l'après ou du hors starter.
Un grand merci à Antoine Gentil et Christophe Delcourt d'avoir accepté notre invitation.