Après-coup "L’inconscient & le transfert"

Après-coup de la conférence de Nicole Borie du samedi 13 avril au Collège Clinique de Lille.



Qu’est-ce qu’une rencontre à l’ère du numérique ? Qu’est-ce que la présence de l’analyste ? Est-ce seulement son corps ?

Au cours de cette conférence Nicole Borie, psychanalyste à Lyon, membre de l’ECF et de l’AMP, a pu dérouler un travail théorique et clinique autour de la question du transfert. S’il y a été question de l’amour de transfert freudien et du sujet supposé savoir lacanien comme deux demandes qui « se conjuguent et se contredisent sans cesse » pour venir s’actualiser dans le transfert, la présence de l’analyste s’est dégagée lors de cette après-midi comme un point majeur pour notre pratique.

Nicole Borie le souligne d’emblée : l’inconscient et la présence de l’analyste sont les deux moteurs du transfert. Un inconscient dénié par les discours contemporains, orientés par les neurosciences et l’ego-psychology pour qui il s’agirait de « faire revenir à la conscience » l’inconscient, comme en témoignent les thérapies du traumatisme et l’EMDR. La présence de l’analyste est elle aussi mise en question aujourd’hui par le développement du numérique et des consultations en visioconférence, notamment imposés par la période de confinement du COVID. La présence de l’analyste est-elle alors une présence physique ? En corps ?

Cette question en apparence simple a toute son importance. Si l’on pouvait croire en 2014, lors de la sortie du film Her réalisé par Spike Jonze, que l’intelligence artificielle relevait de la science-fiction, force est de constater qu’elle nous concerne aujourd’hui de près : les chatbots et applications mobiles de soutien psychologique se multiplient. Sans corps, sans voix, désincarnés, programmés d’avance et disponibles à tout moment, ces applications nient tout l’enjeu d’une véritable rencontre. Il convient de maintenir que la présence de l’analyste en corps se soutient de la création d’un espace qui « puisse être un lieu d’adresse, ce qui n’est pas donné d’avance mais se construit. » Un espace au sein duquel chacun se donne rendez-vous dans une temporalité particulière. L’enjeu d’une rencontre avec l’analyste relève de la « fabrication d’une scène dont on est requis de faire quelque chose », mise en scène qui ne peut se réduire à l’image présentée par l’écran ou à un chat, en tant qu’elle en passe parfois par le corps de l’analyste qui pose un acte. L’aseptisation contemporaine du lien social par le numérique n’accentue que d’autant plus la nécessité de se rencontrer : se déplacer, ne pas venir, partir, tomber, saisir le corps de l’autre, décrocher un miroir de la salle d’attente, sont des faits cliniques dès lors qu’ils sont adressés et susceptibles d’être interprétés.

Les coordonnées du transfert relèvent bel et bien de l’imprédictible et ne pourront dès lors jamais être intégrées à un algorithme.

Soline MASSART

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