Addiction, quand tu nous tiens

L’emprise est le sujet que le comité Lire Freud a choisi de déployer au cours de trois soirées pour cette année. La première soirée s’est déroulée avec la participation de Lorenzo Speroni psychologue, psychanalyste venu de Paris et Delphine Bourotte psychologue clinicienne dans la Meuse. 
Au cours de cette première soirée intitulée « Addictions quand tu nous tiens ». Nous avons tenté d’éclairer la relation à l’objet addictif et d’interroger ce qui pousse un sujet à la recherche de satisfactions, qui peuvent s’avérer destructrices.
Voici quelques idées, que nous retiendrons pour cette première soirée, illustrées par la clinique de nos participants, mais également de réflexions s’étayant sur le film « Shame » de Steve McQueen et le roman d’Héléna Marienské intitulé « Les ennemis de la vie ordinaire ». 
 
Addiction à quoi ça tient ? Qu’est-ce que ça tient ? 
 
L’addiction se présenterait aujourd’hui comme « une maladie contemporaine » exacerbée par notre mode de vie, favorisée par les coupures dans le lien social et qui conduirait au plus de jouir. 
 
Si notre société et nos politiques choisissent de traiter l’addiction par des produits de substitution et/ou par le sevrage, la psychanalyse, elle, vient tenter d’interroger le rapport à l’objet addictif. Ce rapport à l’objet addictif évite la confrontation à l’Autre, à son désir et à sa parole. L’idée étant de jouir sans entraves. 
Dans l’addiction, le sujet se satisferait de son corps comme partenaire de jouissance. Il ne pourrait pas se séparer de la jouissance que l’addiction lui procure, bien qu’il puisse parfois s’en plaindre. 
Alors comment l’addiction peut devenir symptôme pour un sujet, afin que surgisse un questionnement sur le sens de son addiction, lui permettant de faire barrage à l’excès qui la caractérise ? La psychanalyse propose au sujet de produire un savoir par la parole sur son addiction. Car si on reste du côté de la catégorisation, on passe à côté de ce qui se joue pour le sujet lui-même. 
C’est la jouissance qu’il faut traiter plus que l’addiction. 
 
Dans le film « Shame », Steve McQueen traite de l’addiction sexuelle. Le personnage principal ne peut pas se faire responsable de son désir et de sa jouissance. Quand le désir de l’autre se manifeste, l’angoisse surgit pour le sujet avec pour seule manière d’y répondre un plus de jouir. Le corps propre comme objet de jouissance prend le relais du sujet, du désir et de la parole. 
C’est la question de la honte, qui pourrait venir barrer quelque chose de cette jouissance comme un signal que la limite est dépassée. Mais notre protagoniste en semble dénué, ne pouvant pas se faire responsable de son désir et de sa jouissance. 
La jouissance prend le relais du désir à chaque fois que ce dernier se manifeste chez l’autre, le corps venant dès lors constituer l’unique partenaire de jouissance du sujet. 
 
C’est le corps qui vient faire limite à la jouissance. Les objets d’addiction seraient des substitutions au corps. L’addiction serait à entendre du côté de la jouissance autoérotique, comme une itération hors savoir, où « l’alcoolique boit toujours le même verre ». L’idée serait donc de sortir de la répétition pour introduire la dimension du savoir. 
 
Dans le film Shame, on entend également que l’addiction court-circuite le rapport à l’Autre. Le sens de l’addiction serait-il le rejet de l’amour et du désir ? Alors pour être réfrénée, la jouissance du corps aurait-elle besoin de l’Amour ?
 
Caroline Aymard

Addiction, quand tu nous tiens